
L’Armoricaine est une vache mixte de taille moyenne, d’origine laitière mais qui peut facilement être élevée pour la viande. Sa robe est rouge (entre marron foncé et rouge acajou) avec quelques taches blanches, surtout sur le ventre et les pattes. Les muqueuses sont claires et le bout de queue blanche. Le cornage se développe en croissant vers l’avant.
Les vaches mesurent de 1,30 m à 1,40 m au garrot pour un poids adulte de 600 à 700 kg. Les mâles pèsent de 800 à 1000 kg.
On estime sa production laitière à 4000 Kg de lait par lactation avec un TB de 39 et un TP de 32 pour mille.
L’Armoricaine est une vache docile et très rustique qui s’engraisse très bien.
Origines

(carte postale de vaches « Pie Rouges de Carhaix »)
L’Armoricaine résulte des croisements réalisés au XIXè siècle entre la Bretonne Pie-rouge dite « de Carhaix » et la Froment du Léon avec la race anglaise Durham.
Cependant, son histoire est bien plus complexe ! Voici ce qu’en dit Laurent Avon, ancien technicien de l’Institut de l’élevage :
L’histoire de la race Armoricaine commence en 1840 avec l’achat, par la Société d’Agriculture de Brest, à la vacherie de l’Ecole Vétérinaire de Maisons-Alfort, du taureau « Metellus » de la race anglaise Durham (Shorthorn), introduite depuis peu en France. Très vite d’autres taureaux Durham achetés aux vacheries d’état par des notables, des Comices ou des Société d’Agriculture, le suivent, et sont placés pour la reproduction. Les Durham sont utilisés surtout, dans un premier temps, dans le nord Finistère sur un bétail de type ‘’Froment du Léon’’ mal défini à l’époque, puis s’étendent dans le centre Bretagne et dans les Côtes d’Armor en couvrant peu à peu la population dite « Bretonne pie-rouge » à la taille plus élevée que la déjà bien fixée Bretonne pie-noir du sud de la Bretagne. La population métisse « Durham-Bretonne » voit ainsi le jour, se fixe et s’impose sur une grande partie de la Bretagne car elle est plus précoce et facile à engraisser que le bétail traditionnel tout en ayant une production laitière honorable. Par ailleurs des troupeaux de race Durham pure se maintiendront dans la région de Brest jusque dans les années 1950.
Au tout début du 20ème siècle, la nouvelle race prend le nom de race « Armoricaine » et en 1919 une « Société des éleveurs de la race Armoricaine » crée un herd-book pour inscrire les meilleurs reproducteurs. En 1923 la race participe
pour la première fois au Concours Général Agricole de Paris sous son propre nom et sa propre section. La race comptait 360 00 têtes en 1934 dont 45 % dans le Finistère, 35 % dans les Côtes d’Armor et 20 % dans le Morbihan. En 1961 il y
avait 200 000 vaches laitières de race Armoricaine en Bretagne.
Dans les années cinquante une légère retrempe est réalisée avec des taureaux Dairy Shorthorn d’Angleterre.
En 1962, à une époque où l’agriculture bretonne est en pleine transformation et où la politique du Ministère de l’Agriculture visant à diminuer le nombre de races en France bât son plein, un projet de fusion entre la race Maine Anjou et la race Armoricaine, toutes deux imprégnées de sang Durham, est mis en avant par un sénateur de la Mayenne : Louis Fourmond. Ainsi, le 22 octobre 1962 la « Fédération Rouge de l’Ouest » est créée et regroupe les deux races amenées à avoir un herd-book commun dont le siège est fixé à Château-Gontier (53). Le protocole d’accord prévoit le mélange des deux « sangs », mais à la demande des éleveurs armoricains, la possibilité d’introduction d’un troisième sang, celui de la race pie rouge MRY (Meuse Rhin Yssel) des Pays-Bas pourrait être utilisée sur l’Armoricaine ou sur la Maine Anjou ou sur les produits de ces croisements avec l’arrière pensée de créer par la suite une grande race européenne la « Pie Rouge européenne des plaines » par agrégation de la MRY et de la Rotbunt allemande.
En 1963, 14 génisses amouillantes MRY sont importées des Pays-Bas en Bretagne en même temps que des semences de taureaux MRY qui seront utilisés sur trois campagnes. D’autres femelles et d’autres semences seront importés peu après. En 1965 deux taureaux MRY sont importés par le centre d’IA de Locminé (56) pour être utilisés directement en France sur la race Armoricaine. Les essais semblent concluants et les croisements se poursuivent.
Un premier concours spécial de la race « Rouge de l’Ouest » réunissant 120 animaux de la zone bretonne et 120 animaux de la zone Maine Anjou a lieu à Pontivy en 1969, mais les divergences sont telles que les dirigeants doivent organiser deux concours parallèles. D’un côté il y avait des Maine Anjou de race pure, de l’autre presque tous les animaux étaient de race MRY. Le 27 octobre 1969, à Rennes, la scission entre les membres de la Fédération est consommée. Le résultat de cette scission fut la décision prise, le 25 janvier 1970 à Carhaix par les Conseils d’Administration des Syndicats des Eleveurs de la race Pie Rouge de l’Ouest (22, 29, 56) de constituer un livre généalogique qui se dénommerait : « Société des Eleveurs de la race Pie-Rouge des Plaines ». Le Herd-book de la « Pie Rouge des Plaines » s’installe définitivement à Quimper le 1er septembre 1970. Cette nouvelle entité regroupe l’Armoricaine, la MRY et la Rotbunt et les produits de leurs croisements.
Très vite cependant l’Armoricaine qui incarnait le passé (alors qu’à une certaine époque au contraire elle a incarné la modernité) est éliminée et évincée à tel point que les éleveurs qui continuent à l’apprécier s’entendent dire que l’insémination de vaches Armoricains avec des taureaux Armoricains n’est plus possible parce qu’il n’y a plus ni taureaux ni semences.
La Pie Rouge des Plaines de type mixte devient une race où seul le sang RMY et Rotbunt est présent. Elle a sa place en Bretagne sans cependant pouvoir endiguer l’avancée inexorable de la Frisonne puis de la Holstein. A son tour elle cède et, en 1982, les premières introductions de sang Holstein Rouge sont réalisées suivant ainsi la tendance initiée par les Pays-Bas et l’Allemagne d’où sont importées une partie des semences. Aujourd’hui si le nom de Pie Rouge des Plaines est resté, il ne s’agit plus de la même race : elle possède 95 % de sang Holstein rouge.
Perspectives

(Concours armoricaine 2023 – crédit photo : Malaurie Petit Photographie)
Après un sauvetage in extremis (seulement 20 femelles recensées en 1990), plusieurs générations d’éleveurs se sont succédé pour préserver la race. À partir des années 2010, la dynamique s’accélère : au 31 décembre 2011, on compte 166 vaches réparties chez plus de soixante-dix éleveurs ; en 2021, 587 ; et en 2024, près de 900 vaches élevées par 170 éleveurs.
Symbole du dynamisme de l’association : un taureau, Serein, a été prélevé en 2022, et des concours sont organisés depuis cette date.
La diversité génétique de la race est jugée satisfaisante, grâce aux semences conservées par les centres d’insémination. Les taureaux inscrits en « réserve génétique » ont presque tous été remplacés par au moins un de leurs fils.
Chaque année, de nouveaux éleveurs s’installent avec des Armoricaines. Il s’agit souvent de jeunes, engagés dans des fermes à taille humaine et pratiquant la vente directe, séduits par cet animal rustique, bien adapté à son territoire. Tous les élevages valorisent les qualités bouchères de l’Armoricaine, tandis que ses aptitudes laitières restent encore à explorer.
Gène culard et génétique des taureaux
Le gène « culard » provoque chez les bovins une hypertrophie musculaire parfois recherchée pour augmenter le poids et la conformation des carcasses. Il est appelé « mh » et est récessif. Pour avoir un vrai culard il faut donc deux gènes culards (animal homozygote : mh/mh), un du père l’autre de la mère. Cependant la présence d’un gène récessif (hétérogygote : mh/+) peut provoquer une hypertrophie légère.
Une étude de l’INRA en 2001 avait conclu à l’absence de gène culard dans la race Armoricaine car aucun des 8 taureaux disponibles à l’Insémination Atificielle n’était porteur du gène et aucun animal culard n’était connu dans la population.
Mais cette étude n’avait pas analysé les taureaux en réserve génétique afin de ne pas perdre de doses d’IA. Au cours du renouvellement des taureaux en réserve génétique le gène culard s’est introduit dans la race chez des femelles conservées puis chez deux mâles collectés pour IA ; Calypso et Botlan.
Calypso, taureau disponible à l’IA porteur du gène culard (mh/+)
En 2011 un vrai « culard » (mh/mh) est né chez un éleveur, ce qui constituait une première. Une série d’analyses prises en charge par l’institut de l’élevage a permis de trouver l’origine du gène dans la race.
En fait deux taureaux en réserve génétiques issus du même père (Olibrius) étaient porteurs du gène et l’ont transmis dans la race.
Après analyses il s’avère que deux taureaux disponibles à l’IA, fils de taureaux en réserve, sont porteurs du gène culard. Olibrius, porteur hétérozygote du gène culard, l’a transmis à Racine et Rolive alors que Roland n’en a pas hérité.
